Comment financer le développement du solaire au Québec
Est-ce que l’argent fait le bonheur ? Ça, je n’en sais rien, mais ce que je sais, c’est qu’il peut aider drastiquement à augmenter la rentabilité d’un projet solaire !
Dans ce nouvel article sur le futur du solaire québécois, je vais partager mon expérience de l’Europe en matière de subventions pour les projets solaires résidentiels. On ira aussi voir ailleurs dans le monde comment ils se débrouillent, et on réfléchira aux meilleures solutions adaptées à la situation de notre belle province.
Sans doute l’une des phrases que j’ai le plus entendue dans ma carrière…
En fait, elle n’est ni vraie ni fausse. Quand on parle de rentabilité, c’est toujours par rapport à quelque chose.
Dire que le solaire n’est pas rentable dans un projet hors réseau type chalet, ça n’a pas de sens, car avoir de l’électricité est une nécessité, pas un choix. Ou alors il faut comparer cet investissement à une alternative, comme une génératrice.
Quand on parle de rentabilité pour un projet solaire résidentiel (maison raccordée à un réseau public), on compare les kWh produits par le solaire qui alimenteront notre maison aux kilowattheures que nous ne paierons pas à Hydro-Québec, donc aux économies réalisées.
Plus le prix auquel vous achetez votre électricité du réseau est élevé, plus la rentabilité d’un projet solaire est forte. L’autre variable pour calculer la rentabilité est évidemment le prix, qui dépendra du montant de ces facteurs : matériel, main-d’œuvre, sécurité, honnêteté et expérience de l’installateur… (Un mauvais installateur à bas prix vous coûtera très, très cher, croyez-moi.)
Avant de parler du futur, regardons le présent. Aujourd’hui, le solaire résidentiel au Québec est très peu développé, à cause d’un facteur majeur : le coût de l’électricité publique d’Hydro-Québec.
(Pour des raisons pratiques de comparaisons, les valeurs sont ici en USD).
En moyenne, le coût du kWh résidentiel ici est de 0,058 USD. Pour vous donner un ordre d’idée, la moyenne en Amérique du Nord est de 0,14 USD/kWh, et dans le monde, de 0,11 USD/kWh.
Allez, pour le plaisir, je vous donne l’une des zones les plus chères du monde : les Bermudes, à 0,458 USD/kWh…
À ce prix-là, vous ne laissez pas les lumières allumées !
La raison est simple, c’est une île où l’électricité est produite par des centrales thermiques au diesel ou au mazout.
Je pense que c’est une clarification importante, surtout dans une période où on entend de plus en plus de gens se plaindre du prix de l’électricité au Québec.
Maintenant, du côté solaire, une installation de 6 000 Wc comprenant 12 panneaux solaires, un onduleur 6000 W, avec installation, coûte environ 15 000 $, voici donc sa rentabilité :
- Puissance du système 6 kWc
- Coût d’installation 15 000 $ (sans subvention)
- Production annuelle estimée 7 800 kWh
- Prix actuel de l’électricité 0,103 $/kWh (tarif Hydro-Québec)
- Augmentation annuelle prévue 2,5 %
- Durée de vie du système 25 ans
- Remplacement onduleur à l’année 13/15, coût de 2 500 $
En année 1, l’économie réalisée est simple :
7 800 kWh × 0,103 $ = 803,40 $ économisés
Chaque année, cette économie augmente légèrement avec la hausse des tarifs.
Sur 25 ans, les économies cumulées sont estimées à environ 28 000 $.
En retirant le coût du remplacement de l’onduleur (2 500 $), on obtient un gain net d’environ 25 500 $.
- Investissement initial 15 000 $
- Économies nettes sur 25 ans 25 500 $
- Délai de retour sur investissement environ 15 ans
- Taux de rendement interne (TRI) estimé entre 5,5 % et 7,5 %
Le temps de retour sur investissement d’une centrale solaire résidentielle est donc, à l’heure où j’écris ces lignes, d’environ 15 ans. Ce qu’il faut retenir, c’est que chaque hausse du tarif d’électricité accélère cette rentabilité. C’est d’ailleurs le seul moment où vous serez ravi d’une augmentation du tarif d’Hydro-Québec…
Soyons honnêtes, une rentabilité de 15 ans pour ce genre de projet est trop longue et n’incite que très peu la population à investir dans l’énergie solaire. Et pour augmenter cette adoption afin d’atteindre les objectifs de 125 000 projets dans les prochaines années annoncés par Hydro-Québec, une seule solution : des aides financières.
De nombreux pays ont déjà affronté le même défi : comment accélérer l’adoption massive du solaire résidentiel sur leur territoire ? Pour cela, ils ont mis en place différents mécanismes d’aide financière, adaptés à leur contexte.
Vous comprenez donc que de nombreux mécanismes financiers existent et ont déjà été largement éprouvés à travers le monde. Plusieurs pays ont su faire évoluer leurs modèles en fonction des résultats obtenus… pour le meilleur comme pour le pire.
Le Québec, malgré son retard, dispose aujourd’hui d’une véritable opportunité : s’inspirer des modèles internationaux tout en les adaptant à sa propre réalité.
À mon sens, combiner les prêts à taux zéro déjà disponibles au fédéral avec un crédit d’impôt proportionnel à la puissance installée (en kWc) représenterait une excellente base. Si l’on ajuste en plus ce soutien selon les besoins territoriaux et les revenus des ménages, alors là… on tient quelque chose de solide.
👉 D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le député libéral Gregory Kelley, qui propose justement une approche basée sur les revenus. Vous pouvez le regarder ici.
Peu importe la solution retenue, il faudra évaluer régulièrement les résultats : est-ce que ça fonctionne ? Quelles retombées concrètes ? Et ajuster le tir jusqu’à ce que le modèle québécois se consolide.
Énergie Solaire Québec, en dialogue actif avec Hydro-Québec depuis plusieurs mois, défend également cette vision. Son président, Patrick Goulet, plaide publiquement pour une réduction du temps de retour sur investissement à moins de 10 ans, un seuil clé pour accélérer l’adoption. Une subvention de 5 000 à 6 000 $ permettrait de ramener la rentabilité d’un projet résidentiel de 15 ans à 10 ans dans notre exemple plus haut.
Au final, peu importe le mécanisme choisi : si la rentabilité devient tangible, l’objectif des 125 000 projets solaires fixé par Hydro-Québec sera atteint… en un éclair. Car les Québécois, eux, n’attendent que ça.